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Blog: astucemeth

les jeux et les habitues

A) Les types de jeux
Les jeux d'argent et de hasard en France se partagent en trois grand secteurs: les loteries et les jeux instantanés de la Française des Jeux, les jeux de cartes, de boules et les machines à sous des casinos, et enfin les courses de chevaux. Ces jeux ont toujours été extrêmement réglementés, car on estime qu'ils constituent un danger pour la morale publique. D'ailleurs les lois se présentent en général sous la forme d'interdictions, avec des dérogations justifiées par un emploi des recettes pour "des bonnes causes", établissement des situations de monopole. L'État profite aujourd'hui de la situation pour faire d'importants prélèvements.

Ces jeux touchent aujourd'hui une population très vaste et contribuent de manière considérable à l'économie, mais ils restent un secteur très méconnu: les données disponibles sur le profil des joueurs, sur les montants joués, sur le jeu pathologique sont très insuffisantes.


B) Quelques chiffres
Les jeux occupent actuellement une place considérable dans l'économie:
Le chiffre d'affaire du jeu (hors machines à sous clandestines) est de 20% supérieur à celui de la SNCF, et le bénéfice pour L'État est supérieur au budget de culture et communication.
La FDJ dispose en 2000 du premier réseau de distribution de France avec 42950 points de vente, un pour 1400 habitants, mieux que les boulangeries ou bureaux de poste.
81000 emplois dans le secteur des jeux.
Les jeux de hasard correspondent à 6% du PIB français.
Une machine à sous coûte 50000F et en rapporte 700000F par an.
Le secteur des jeux connaît actuellement une croissance impressionnante, et le passage d'une société de consommation à une société de loisirs, privilégiant l'émotion par rapport à la possession, a toutes les chances de perpétuer, voire accentuer l'engouement des français pour les jeux. En témoignent les chiffres suivants:
PMU: +12% en 1998, 1.8% en 1999, 6.5% en 2000, +22% entre 2001 et 2003
FDJ: 5.8% en 1999, 13.3% en 2000
Casinos: Produit Brut des Jeux (proche du chiffre d'affaire) multiplié par 12 entre 1988 et 2000, avec sept ans consécutifs de croissance à 2 chiffres, croissance due à l'apparition des machines à sous qui réalisent 91% du produit en 2000.
Et ils touchent une part considérable de la population française:
En tout, 62% des français jouent au moins une fois dans l'année. 20% des français jouent régulièrement.
En 2000, 30,5 millions de français ont joué à un jeu de la FDJ, dont 48% d'hommes, et dont 44% de moins de 35 ans. Ces joueurs présentent les mêmes caractéristiques sociologiques que la population française (très légère sur-représentation des employés et ouvriers)
6 millions, soit 15% des français de plus de 18 ans jouent aux courses au moins une fois dans l'année, 65% des parieurs sont des hommes âgés de 35 à 49 ans et issus de milieux socioprofessionnels généralement modestes. Parmi ceux-ci,
1.6 à 2 millions jouent au moins 1 fois par semaine
28% sont des femmes
40% sont des joueurs occasionnels attirés par les grands événements, ils jouent une fois par mois, et au Quinté+
55% sont des joueurs réguliers, ils connaissent les courses, apprécient la convivialité du PMU, ce sont des joueurs du week-end
5% sont des passionnés, lecteurs assidus de la presse hippique, jouent plusieurs fois par semaine



C) Un phénomène récent en pleine évolution
S'il a toujours existé, le jeu n'est devenu un phénomène de masse que très récemment, dans les 25 dernières années. En effet, jusqu'à cette époque les ruraux n'avaient pas accès au jeux, les casinos étaient réservés à une élite de touristes, et les paris sur les courses de chevaux n'étaient permis que sur les champs de course, à des horaires souvent impraticables pour la majorité des travailleurs. Le paysage des jeux actuels est constitué essentiellement de produits très récents, et il évolue rapidement sous l'effet de nouvelles technologies: l'ordinateur qui a permis le pari instantané à distance, la télévision avec la chaîne spécialisée Equidia et la possibilité de jouer à toutes les courses, les machines à sous qui ont bouleversé le fonctionnement des casinos, et maintenant internet et le développement des jeux en ligne.

La chronologie suivante permet de se faire une idée de cette évolution.

1931: création du PMU
1954: invention du Tiercé
1968: premiers paris par téléphone
1988: Informatisation des points PMU
1989: Naissance du Quinté +
1999: Nouveaux systèmes d'informatisation, naissance du site internet pmu.fr et de la chaîne Equidia

1976: Création du Loto
1985: Premier jeu de pronostics sportifs
1989: Premiers jeux instantanés
1991: Le Millionnaire télévisé

1988: autorisation de l'implantation de casinos dans les villes de plus de 500000 hts
1987: autorisation des machines à sous dans les casinos et eux seuls


D) L'offre de jeu
L'offre de jeu s'est extrêmement diversifiée ces dernières années pour créer et suivre une demande en explosion. Il y a désormais des jeux pour tous les types de joueurs et pour toutes les occasions. Les jeux de grattage (il y en a 17) sont conçus comme un complément simple et facile pour ceux qui vont acheter leur journal ou leurs cigarettes, et les prix sont calculés pour correspondre à la monnaie rendue en payant par exemple avec un billet de 5 ou 10 euros. Les jeux de tirage comme le Loto ou le nouveau Euromillion répondent à des joueurs plus occasionnels qui cherchent un jeu de pur hasard, avec résultat différé pour prolonger le suspense de l'attente. Rapido est parfait pour les clients des bars qui tentent leur chance tout en buvant un verre, Lotofoot et PMU satisfont ceux qui veulent s'investir plus et utiliser des connaissances. Enfin, les casinos et les machines à sous sont parfaits pour ceux qui veulent passer des soirées à jouer.

Cette offre est aussi uniformément répartie sur la semaine, avec un grand nombre d'événements spéciaux, de manière à créer toujours un prétexte pour jouer: deux soirs de tirages du loto, un pour l'Euromillion, un pour le Kéno, le lotofoot le week-end, des jeux de grattage spéciaux pour la St-Valentin, le vendredi 13, les courses spéciales et grand prix du PMU (qui diversifie le plus possible ses courses en variant les spécialités et les lieux). Enfin, les campagnes publicitaires visent clairement des sensibilités différentes: le PMU parle de l'émotion, l'Euromillion uniquement de l'argent (une pub marque la protestation du "comité des riches contre euromillion" qui dénonce "ils veulent nous retirer le caviar de la bouche").

Enfin, il y a désormais la possibilité de jouer à distance, grâce notamment aux résultats à la télévision et aux chaînes spécialisées, au téléphone mais surtout aux nouvelles possibilités liées à internet: PMU annonce 210 000 abonnements à distance depuis 2003, la FDJ a ouvert un site de paris en ligne, et les casinos commencent à s'y mettre aussi (le site www.casino-partouche.com est très intéressant: il propose de jouer gratuitement avec des euros virtuels et des grosses sommes, si bien qu'il est facile en risquant 1000 euros d'avoir l'impression de gagner beaucoup, et propose ensuite sournoisement, à chaque gros gain, de jouer pour de vrai).

Ainsi, l'offre de jeu se multiplie pour faciliter l'accès au jeu du plus grand nombre (la loi autorisera-t-elle comme dans les autres pays européens l'installation de machines à sous dans les cafés?), ce qui explique l'explosion actuelle du secteur des jeux. Ce qui est intéressant, c'est de voir que les joueurs ne semblent pas toujours au courant de ce phénomène, et comparent encore leurs pratiques à celles de leur parents, de leur jeunesse, sans se rendre compte que ces pratiques, et les montants, ont beaucoup changé.



II) Pratique du jeu et relations sociales
III) Le joueur et le jeu
A) La carrière du joueur
1) Comment commence-t-on ?
Quand on demande aux joueurs comment ils ont commencé, nous avons vu apparaître deux types d'explications: d'une part ceux qui jouent parce qu'ils héritent cette habitude de leur entourage, de leur parents ou de leur conjoint; de l'autre ceux qui commencent alors que leurs proches ne jouaient pas, à la suite d'un événement déclencheur, tel un gros gain inattendu. Vous pourrez remarquer que ces deux explications sont une manière de justifier le jeu par une sorte de prédestination, qui fait que l'individu doit continuer à jouer, soit par ce que c'est dans son sang, soit parce qu'il cherche sans cesse à répéter l'exploit initial.

1.1) Le jeu en famille

Le retraité de notre entretien explique que sa passion lui vient de son père: "J'ai commencé à l'âge de 23 ans, le virus m'a été transmis par mon père.""J'ai baigné, au travers de mon père. J'ai baigné dans le système,". C'est ainsi que de son père il a pris la manière "raisonnable" de jouer en misant peu et en ne rejouant pas immédiatement les gains, et aussi l'habitude de faire des fiches sur les chevaux. On peut conjecturer que le père transmet non seulement son habitude de jouer, mais aussi sa manière de jouer, ses stratégies, etc.

Un ouvrier égyptien explique que son père l'envoyait tout jeune valider des tickets de PMUs, donc il considère qu'il a toujours été dans le jeu. Cette pratique existe toujours, nous avons observé deux petites filles (d'une dizaine d'années) venues indépendamment acheter des jeux à gratter pour leur mère, l'une de ces filles étant revenue peu après pour retirer des gains et rejouer, ceci en dépit d'une législation qui interdit théoriquement la vente aux mineurs. Une femme sénégalaise explique qu'elle a commencé parce qu'au Sénégal, "tout le monde jouait" sa famille, ses voisins, etc. Deux femmes retraitées avaient l'habitude de suivre leur mari sur les champs de course, ce n'est que très tard (après la mort du conjoint?) qu'elles ont commencé à jouer seules.

Il est alors intéressant de se demander comment cette transmission de l'habitude de jeu se fait. Si certains joueurs essaient de protéger leur entourage de cette influence, comme cet ouvrier égyptien qui nous confie ne pas regarder les résultats des courses à la télévision pour cette raison, d'autres au contraire cherchent à convertir leurs proches. Parfois, c'est simplement une manière de légitimer la pratique du jeu, de la banaliser, de déculpabiliser, comme dans le cas du sans-papiers sénégalais qui essaie de faire jouer sa compagne, plutôt hostile au jeu.

D'autres fois, le joueur cherche simplement à partager sa passion, comme c'est le cas de notre retraité qui espère pouvoir transmettre ses fiches à son neveu de 17 ans, qui n'est pourtant pas encore un passionné:
Le neveu, lui, c'est par intermittence, je dirai à la limite. Le neveu va vous dire un jour " tiens, je vais faire un petit tiercé comme il vous dira le lendemain " je vais faire un lotofoot. " " Tiens, alors je vais faire un loto " ou " je vais prendre 5 tickets à gratter." Non, on ne peut pas dire encore qu'il soit très passionné par le PMU. [...] Il me regarde faire de temps en temps, il me dit : " Eh ben, tonton, tu es encore dans ton journal hippique ! " Je lui oui, mais bon.

Enfin la pratique collective est aussi une manière de partager une activité, une émotion, un sujet de conversation: discuter des stratégies, attendre les résultats. Nous avons observé plusieurs fois des gens qui jouaient pour d'autres, comme notre retraité joueur de PMU.
- Malgré tout ça, tout à l'heure vous m'avez dit que ça vous arrivait de jouer simplement la date d'anniversaire de votre fils.
- Oui. C'est quand je veux faire participer mes enfants, les membres de ma famille. Quand ils veulent s'amuser, qu'ils veulent tenter, au lieu de faire un loto. Puis bon, il vont me dire : " Tiens papa, ça ne te dérangerait pas. "
Pour le loto et Euromillion, nous avons observé aussi des joueurs qui prenaient une grille pour leurs proches, ou venaient jouer pour eux. On pourrait émettre l'hypothèse que le fait de jouer pour quelqu'un d'autre est une manière de partager l'émotion du jeu, qui est normalement une émotion individuelle: si je joue pour quelqu'un d'autre et cette personne gagne, j'aurai peut-être l'impression d'avoir gagné moi aussi, et je partagerai donc ses attentes.

Il faut rappeler cependant que cette pratique collective reste très codifiée: il faut toujours savoir qui a joué, ou pour qui on joue, de manière à éviter tout litige ultérieur. De même, il est très important de respecter scrupuleusement les consignes de jeu des autres, comme cette fille dont la mère avait coché un numéro de trop sur sa grille Euromillion, qui téléphone pour savoir lequel enlever.

1.2) L'autre manière de commencer à jouer
Parmi ceux qui n'ont pas commencé à jouer en famille, nous avons à chaque fois (3 cas) rencontré des récits semblables: un gros gain qui aurait déclenché cette habitude. C'est ainsi que le sans-papiers sénégalais dit avoir commencé à jouer à cause du gros gain d'un ami. Une retraitée nous explique qu'elle travaillait dans un bar et un jour un client parlait d'un cheval qui devait gagner, alors elle a joué pour essayer et elle a gagné une grosse somme. De même, le joueur de Rapido aurait joué par hasard au loto le jour de la naissance de son fils et remporté une grosse somme:
Ça fait 6 ans [que je suis en France], et moi je jouais avant jamais dans ma vie, jamais. Moi je jouais jamais, ni lotofoot, ni loto. Jamais. [...] C’était une fois, par hasard, quand mon bébé, né prématuré, en hôpital, et … Voilà, quand j’étais en hôpital et les infirmières ils parlaient entre eux, 35 millions euros, 25 millions euros, qui a toucher ça aujourd’hui, qui va toucher ? Moi c’était par hasard, quand j’ai entendu c’est aujourd’hui, c’était sept heures, parce que le loto c’est jusqu’à 19h30. Et moi j’arrête mon boulot, c’était pas qu’à cause mon bébé. Après mon bébé parce qu’il faut, je vais 150m d’ici pour voir mon bébé, je peux pas, j’étais vétérinaire cette époque, et il faut que j’arrête pour voir mon bébé. Peut pas dire, peut pas dire, il peut même pas payer si je travaille pas. Là, les infirmières, ils ont parlé entre eux … [...] Et après je jouais le loto, il y a 4 ans…. [...]C’est la première fois, j’ai essayé le loto, et j’ai gagné, là, cinq numéros, cinq numéros j’ai gagné, j’ai touché cinq numéros. [...] Ma femme elle était en césarienne. Le bébé était déjà né, le bébé il est 150km loin, et moi, par hasard, j’ai joué, j’ai pris un loto. [...] Eh ben. Après j’ai continué.
Le fait d'avoir obtenu autant de récits de gros gains lors de la première fois est surprenant, et laisse penser qu'en fait cette première fois est plutôt reconstruite. Des individus tenteraient de temps en temps leur chance un peu par hasard, ceux qui ne gagnent pas ou peu arrêtent pendant un peu, ne se considèrent pas comme joueurs, oublient l'événement, et retenteront leur chance des mois ou années plus tard. Par contre, si un jour un tel individu remporte une grosse somme, alors il va être tenté de rejouer plus fréquemment, va finir par se considérer joueur et oublier les anciennes mises perdantes occasionnelles. C'est alors qu'il va faire dater son entrée dans le monde du jeu de ce premier gros gain.

Nous avons été témoins d'un fait qui va dans le sens de cette explication: dans notre groupe, le dernier soir, à force de nous entendre parler de jeux de hasard, certaines étudiantes décident de tenter leur chance au Rapido. Celles qui perdent arrêtent tout de suite, deux remportent respectivement 4 et 6 euros et rejouent deux fois en perdant. Au cours du repas, elles retenteront et gagneront 60 euros. Elles sont alors très euphoriques, l'une explique qu'elle n'a qu'une envie, rejouer, et que psychologiquement elle avait l'impression d'avoir gagné tout le temps, en oubliant plusieurs pertes. Dans les semaines qui ont suivi, elle aura rejoué plusieurs fois.

On remarque enfin que faire remonter l'habitude du jeu à un gros gain, tout comme le fait de l'expliquer par l'héritage familial, revient à introduire une sorte de prédestination, de fatalité, qui justifiera ensuite la dépendance du joueur face au jeu. La suite de la carrière est alors marquée par la tentative de reproduire cet ancien exploit idéalisé, au vu duquel les gains plus petits et usuels sont peu de chose, si bien qu'ils seront généralement rejoués aussitôt. En général, il y a cependant très peu de chance de parvenir à répéter cet exploit, et la plupart des joueurs avoueront qu'ils n'ont jamais réussi à gagner une somme comparable, et qu'au contraire ils auraient plutôt reperdu le gain initial. De là à dire qu'un gros gain pour un non-joueur relèverait plutôt de la malchance, puisqu'il en fait un joueur, il n'y a qu'un pas.


2) Que se passe-t-il après ?
L'entretien réalisé avec le retraité nous montre que les pratiques de jeu ont évolué au cours de sa vie. Il a commencé à s'intéresser au PMU seulement à l'âge de 23 ans, après une période lotofoot. On peut supposer dès lors une pratique plus ou moins régulière en fonctions des contraintes géographiques (il n'y avait pas de jeu à distance à l'époque) familiales et professionnelles. La possibilité de partager cette passion au travail avec certains collègues a dû correspondre à un renforcement de la pratique pendant cette période. Enfin, à partir de la retraite, l'augmentation du temps libre conduit à une forte augmentation des pratiques de jeu. Ceci dit, il faut rappeler que l'engouement pour les jeux au cours de la retraite est un phénomène très récent puisque la facilité d'accès à ces jeux est elle-même récente. En tout cas, on peut conjecturer que celui-ci est le parcours classique du joueur aux pratiques bien intégrées parmi ses autres activités. Ce type de joueur semble avoir appris à contrôler le montant de ses mises et à ne pas rejouer systématiquement ses gains.

A côté de cela, on devrait trouver d'un côté les joueurs momentanés, ceux qui ont joué à une période de leur vie (la jeunesse plutôt), éventuellement avec des camarades ou collègues, et qui arrêtent par la suite, par désintérêt. De l'autre les joueurs plus pathologiques, ceux qui ont du mal à maintenir leur pratique à un niveau raisonnable. On nous a cité plusieurs fois l'exemple de joueurs qui auraient mis en péril l'équilibre financier de leur famille. Cet exemple servant de repoussoir, cela force les joueurs à trouver des mécanisme de limitation, comme celui de confier la gestion de l'argent au conjoint (c'est le cas de l'ouvrier égyptien), de limiter systématiquement l'argent qu'on a en poche pour ne pas être tenté de le jouer, ou à tenter d'arrêter le jeu. Il faut rappeler ici que l'interdiction de jeux n'est possible que dans le cadre des jeux de casino classiques (hors machines à sous), donc le joueur doit apprendre à se limiter seul. Comme pour toute addiction, l'arrêt du jeu est alors difficile avec des tentations de rechute. C'est ainsi que le joueur de Rapido que nous avons rencontré, traumatisé par une émission télévisée qui explique que le jeu est cause importante de divorce, tente de limiter sa fréquentation du bar à deux fois par mois (c'est ce qu'il nous a annoncé, mais il serait revenu le lendemain), et passe des heures à remplir des grilles qu'il ne joue pas. C'est ainsi qu'on peut distinguer au niveau des carrières trois types de joueurs:
Celui pour qui a joué à un moment de sa vie et qui arrête ensuite
Le joueur régulier et "raisonnable" aux pratiques intégrées, qui pourra jouer toute sa vie
Le joueur pathologique qui a une carrière bien plus mouvementée car sa pratique perturbe le reste de sa vie. S'il ne parvient pas à stabiliser sa pratique, il doit tenter d'arrêter, et jusque là sa carrière sera parsemée de rechutes et de luttes. Des estimations donneraient la part de joueurs pathologiques à 1% de la population, mais c'est une catégorie encore largement mal connue.


B) Les stratégies de jeu
1) La place de la compétence
1.1) Les jeux exigent-ils une compétence ?

On distingue traditionnellement les jeux de pur hasard de ceux faisant appel à une compétence particulières, comme les courses ou le lotofoot. Or, on constate qu'en général une grande partie des joueurs parlent de compétences pour justifier l'intérêt qu'ils portent aux jeux. Qu'en est-il en réalité?

D'une part, on remarque que les jeux comme le Loto, l'Euromillion ou la roulette sont construits de manière à ce que l'espérance de gain soit la même, quel que soit le type de pari ou stratégie adopté. Le taux de redistribution de chaque jeu étant fixé, ces jeux rapportent en moyenne entre 60% (pour les jeux de la FDJ) et 96% de la mise (pour la roulette). Au vu du critère de l'espérance, toutes les stratégies se valent, et elles ne diffèrent que par la variance: celles qui gagnent souvent mais peu, et celles qui gagnent très rarement mais beaucoup. Ceci étant connu de tous, on ne peut rationnellement parler de compétences dans ces jeux. Il en est de même en ce qui concerne les machines à sous, où il n'y a qu'une seule formule de jeu.


D'autre part, voici une hypothèse personnelle: même dans un jeu de type PMU, les compétences se révèlent complètement inutiles, au sens où elles n'augmentent pas l'espérance de gain. En effet, il existe des pronostiqueurs professionnels dont on peut supposer qu'ils disposent d'une information meilleure de celle que peut obtenir n'importe quel joueur. Ces spécialistes diffusent leurs pronostics dans la presse spécialisée, et ils ont intérêt à révéler toute leur information car ils participent à un championnat de France de pronostiqueurs, avec d'importants enjeux financiers. Ceci constituera alors le meilleur estimateur possible des probabilités objectives et des résultats de la course.

Ainsi, le public a accès aux pronostics des pronostiqueurs les plus performants. Puisqu'on peut penser que ce public n'aura pas accès à une meilleure information, il va jouer suivant les conseils des pronostiqueurs. C'est ce qui arrive en pratique: les cotes prévues sont toujours proches des cotes jouées effectivement. Puisque le PMU est un jeu redistributif, les gains observés seront inversement proportionnels aux probabilités d'une combinaison, si bien que l'espérance de gain, produit de ces deux quantités, reste constante quelle que soit la stratégie choisie!!!

C'est ainsi que toute stratégie est strictement équivalente, et c'est ce qui permet aux joueurs d'en avoir tous de différentes, sans que l'une soit meilleure que l'autre. Ils sont d'ailleurs conscients de ce fait, et plusieurs avouent qu'on ne gagne pas plus avec des stratégies compliquées qu'en jouant des dates d'anniversaire, et qu'on ne gagne pas plus en se regroupant à plusieurs pour partager les stratégies.

Ceci étant dit, la question du sens des prétendues compétences apparaît. Fait-on appel aux "compétences" pour augmenter le plaisir du jeu ? Ou alors est-ce pour justifier sa passion ? Ou enfin pour adapter le risque (la variance) encouru au risque souhaité? Une autre possibilité apparaît si l'on envisage la possibilité que les résultats soient truqués: dans ce cas, la compétence serait celle d'obtenir l'information fiable, de déjouer le trucage, pour parvenir à gagner, contre un système qui complote pour faire perdre les "petits".


1.2) Les joueurs en sont conscients

Un joueur et une joueuse, utilisant des stratégies complexes, nous ont expliqué avoir gagné leur plus gros lot en jouant une date d'anniversaire. Une femme sénégalaise répétera plusieurs fois au cours de l'entretien "ça va, ça vient, c'est le hasard". Les citations suivantes tirées de l'entretien avec le retraité montrent que les joueurs eux-mêmes répètent qu'au fond, la compétence ne permet pas de gagner plus qu'en jouant au hasard.
"Ça fait 37 ans que je joue aux courses, et j'en conclurais que hormis le plaisir tout à fait personnel, parce que c'est du travail, dans ma conclusion je dirais qu'on gagne rarement aux courses. Ça il faut le savoir, et c'est comme ça que le PMU arrive à s'enrichir tous les ans. Il faut pas rêver." (Première phrase après avoir commencé l'enregistrement)

"Et le jeu du hasard, faut pas l'éluder. Attention. Quand je dis que la chance, la grande chance, appartient aux naïfs et aux audacieux. Audacieux pourquoi ? Parce qu'il faut miser énormément aux courses pour gagner. Et au naïfs, parce que le naïf, des fois, par le hasard. La preuve, il y a trois semaines, le très gros quinté qui a été gagné, il a été gagné par un marseillais, en utilisant le Spot. Avec un spot de 5 euros, donc c'est quand même l'ordinateur qui lui a tiré les cinq numéros du gros lot."

F : Et le fait de travailler en commun, est-ce que vous gagnez plus, quand vous réfléchissez à trois sur les courses ?
- Non, pas plus. Pas plus. Non, non. Chacun amenait son idée, donc c'était un panachage, dans le choix.
F : Mais ça n'améliorait pas beaucoup les performances ?
- Non, pas du tout. Pas du tout.

Et moi, je ne peux pas dissuader une personne qui joue au hasard, ça serait malhonnête quelque part, intellectuellement ça serait malhonnête parce que je sais qu'elle a autant de chances que moi de gagner. Autant de chances ! Parce que cette personne-là ne va pas s'occuper de savoir qui fait quoi, il y a un certain moment elle sera animée d'une intuition qui peut-être sera supérieure à moi, le nom d'un cheval, comment vous expliquer. Vous avez des personnes âgées qui jouent avec les noms des chevaux. " Tiens. Il me plaît. Le numéro me plaît, le nom du cheval me plaît. Je joue."

1.3) Pourtant, la compétence est une référence récurrente.

En parallèle avec le discours sur l'inutilité des compétences, cependant, les enquêtés valorisent par leur discours cette idée de compétence dans les jeux, de "connaisseur", et même de "professionnel". Par exemple le joueur de Rapido (jeu pour lequel en principe la compétence est censée être inutile) nous parle d'un joueur professionnel qui aurait des techniques secrètes pour gagner, et lui-même dit utiliser certaines techniques. Ce discours est cependant bien plus fort chez les joueurs de PMU. Les citations suivantes sont tirées de l'entretien avec le retraité:
"La connaissance des chevaux, elle demande un investissement personnel, c'est un travail de tous les jours, parce qu'il faut suivre, il faut suivre, c'est méthodique, c'est aller à la source de l'information, à la source du renseignement."
"D'où les cahiers [avec des fiches sur les chevaux], pour pouvoir mettre, je dirais, pas toutes les chances de votre côté, mais pour pouvoir mettre le maximum de chances de votre côté."
C'est tout le travail, c'est toute la différence que j'ai pu faire entre le jeu du hasard. C'est-à-dire aller dans un café quelconque, pour aller faire un loto, ça ne m'intéresse pas. Parce qu'il n'y a pas ce travail intellectuel, il n'y a pas cette approche… Les courses, il y a tout un travail intellectuel de méthode et tout ça, ça a ce côté intéressant, c'est un éternel, je dirais, affrontement intellectuel entre le journaliste, l'entraîneur et le propriétaire. Parce que le journaliste, il va essayer de vous faire avaler des couleuvres dans son commentaire. Et c'est ce que j'appelle moi de la manipulation. Alors, à vous d'être suffisamment méthodique, je dirais, ordonné et lucide, pour savoir tirer de leurs informations les trucs essentiels.
"Vous savez, quand ils se font une idée des courses, ils admettent qu'ils sont obligés de passer par certains cheminements, pour gagner." Ce qui contredit l'affirmation initiale qu'on perd aux courses et l'idée que les compétences seraient inutiles.
1.4) Des pistes d'explication
Comment expliquer cette ambivalence du discours? On peut faire plusieurs hypothèses. D'une part, il y a le fait que l'on refuse d'accepter le discours de la raison et l'existence du hasard, nous reviendront sur cette idée dans la dernière partie. Cependant, on peut penser que la compétence sert aussi (avec la passion) à légitimer le jeu, à l'anoblir, pour le faire passer du niveau de vice à activité respectable. Enfin, puisqu'il est difficile de vraiment gagner, elle deviendrait le but-même du jeu, à la place du gain ! Si bien que c'est elle qui va devenir source d'intérêt et de plaisir chez le joueur. Ces idées ressortent nettement dans le discours du retraité joueur de PMU.


2) Les jeux sont-ils truqués ?
2.1) Considérations générales

Une des constantes lors des discussions que nous avons pu avoir, c'est l'idée que les jeux sont truqués. Avant de discuter les différentes théories et leurs conséquences pratiques, il me parait important de faire une remarque générale. S'il est vrai que ponctuellement il est possible de truquer une course de chevaux, et il y a eu des scandales dans ce sens, on peut penser que ce phénomène est rare, car les jeux sont extrêmement bien surveillés en général, de très nombreuses précautions sont prises, et les sanctions peuvent être sévères. En ce qui concerne le PMU, il y a des juges de courses bénévoles et passionnés, indépendants du PMU, et des contrôles de dopage systématiques. Pour les casinos, les machines à sous sont contrôlées par des organismes indépendants, et le casinotier n'a pas accès aux logiciels. Enfin, on peut souligner que le personnel des casinos est soumis systématiquement à une enquête par les Renseignements Généraux.

Par ailleurs, on peut souligner que les jeux comme le PMU ou le loto sont des jeux redistributifs, où la part redistribuée est fixée, donc le PMU ou la FDJ n'ont aucun intérêt à privilégier une combinaison qui favoriserait certains parieurs plutôt que d'autres. Pire, si les tirages n'étaient pas absolument fiables, il y aurait moyen pour celui qui découvre le trucage de gagner des sommes considérables d'argent, systématiquement, ce qui constituerait un risque superflu pour ces sociétés.

Ainsi, la complexité de la mise en place d'un trucage, et l'ampleur des risques encourus permettent de penser que les jeux en général ne sont pas truqués (sauf exceptions très ponctuelles, dans le cas des courses du PMU, avec des arrangements entre écuries). Ceci rend particulièrement intéressante du coup la question de savoir pourquoi les joueurs en sont tellement convaincus.


2.2) Pourtant la plupart des joueurs pensent que le jeu est truqué

En effet, ceci est une idée récurrente, nous n'avons rencontré aucun joueur de PMU qui n'en était pas persuadé.
On distingue plusieurs types de tricheries. D'une part tout ce qui a trait au dopage des chevaux et aux arrangements entre écuries, entraîneurs, propriétaires, jockeys, obéissant à des règles d'intérêts familiaux et d'alliances, et aussi une sorte de partage des prix équitable afin que chacun puisse gagner sa vie. Ces traffics seraient couverts par les journalistes, contraints à coopérer.

Plusieurs joueurs nous ont signalé des événements louches. Par exemple le retraité explique: "Quand vous êtes attentif au déroulement des courses avec vos jumelles, arrivez à détecter, si suivez bien, détecter une fois sur deux anomalie." Selon lui, on peut en effet remarquer souvent des jockeys faire des erreurs stratégiques qu'ils ne devraient pas faire, ce qui voudrait dire qu'ils les commettent exprès. Un autre type d'événement louche c'est la victoire inattendue d'un cheval monté par le fils de l'entraîneur. Tout ceci conduirait à penser que les courses sont truquées une fois sur deux !!! De même, la copine du sans-papiers sénégalais affirme avoir vu des jockeys PENDANT la course se mettre d'accord sur celui qui devait gagner.
D'autre part, il y aurait les tricheries orchestrées par le PMU lui-même, avec la croyance assez répandue que la gestion informatique des paris lui permet de savoir ce que les gens ont joué en temps réel (ceci est vrai) et ensuite de manipuler les résultats pour faire perdre les joueurs dans leur ensemble. D'où l'impression qu'au temps des tickets poinçonnés on gagnait plus. Ceci bien sûr montre que les joueurs n'ont pas bien intégré la nature redistributive des gains, qui fait que le PMU empoche toujours une part fixée des paris, quel que soit le résultat. Ci-dessous deux citations de notre retraité illustrant cette croyance:

"Depuis qu'il y a l'informatique, je me suis rendu compte qu'il y avait une baisse des rapports. Ça c'est une évidence, ça il faut le dire. Et je pense qu'au travers de l'informatique, on peut mieux gérer le déroulement normal d'une course. Parce que, manuellement, avant c'était beaucoup plus difficile de savoir quelle est la réalité des mises. Maintenant, il faut savoir que toutes les minutes ils sont capables de vous dire la côte du cheval. Alors quand la course va démarrer, le PMU sait déjà que, voilà, il y a eu tant de millions d'euros de misés, qu'il y a eu sur tel cheval tant de milliers d'euros de misés, sur tel cheval tel, tant de milliers, tant de milliers, tant de milliers. Et à partir de là, ils vont faire rapidement leurs calculs de leurs bénéfices. En fonction des gains, si le cheval rentre, de ce qu'ils auront à ressortir, vous voyez, à payer. Je me suis rendu compte d'une autre chose aussi, et ça c'est une information toute personnelle, quand le PMU fait les grosses cagnottes, vous avez entendu parler de ça, ils choisissent des jours où il fait la grosse cagnotte. Et bin, j'ai remarqué que c'est toujours des favoris qui rentraient. C'est-à-dire que vous avez une arrivée, dans le quinté, de favoris. Et quand vous regardez les résultats de ce qu'on vous reverse, on vous reverse des misères."


"Attention, ne soyez pas trop naïfs, ne soyez pas ci, ne soyez pas là. " Parce que qui dit informatique, dit probabilités, hein. On a affaire à des matheux, hein, on n'a pas affaire à des gamins, on a affaire à des informaticiens… C'est ce que je me dis, moi, alors ce sont des gens, ils sont mis en place pour que le PMU gagne de l'agent. Faut savoir.
A partir de là, certains vont plus loin: à partir du moment où ils admettent que les courses sont truquées, ils peuvent penser que ces truquages répondent à une logique éventuellement très complexe, comme s'il était facile pour le PMU de décider précisément de l'ordre d'arrivée des cinq ou six premiers chevaux (ce qui techniquement ne doit pas être évident), et ensuite de convaincre écuries, juges et journalistes à ne pas dévoiler cette information. C'est ainsi que notre retraité explique que les courses obéissent à une règle de partage équitable des gains entre entraîneurs, propriétaires et jockeys afin que tous puissent gagner leur vie. Ou il y a aussi des théories purement numérologiques: le PMU calcule les combinaisons qui sortent de manière à déjouer les prédictions des parieurs qui cherchent à deviner ces manipulations. Voici un exemple de raisonnement tel qu'il nous a été exposé par un ouvrier égyptien :

Si les numéros qui ont gagné samedi ou dimanche perdaient mardi, alors les gens le comprendraient et ils gagneraient en ne jouant que parmi les 10 numéros restants. Du coup, le PMU fait gagner le mardi un et un seul numéro du samedi et un numéro du dimanche. Donc notre joueur remplit sa grille en mettant un numéro du samedi, un du dimanche, et trois nouveaux numéros. Mais ensuite, on peut aussi faire des calculs plus compliqués. Le quinté du dimanche était 1-3-11-13-5. On peut remarquer qu'entre 1 et 3 il manque 2, c'est pourquoi le 3 est en 2ème position. Le 5 est en 5ème position, et on remarque que le 11 et 12 sont des numéros consécutifs.

Un autre exemple est donné par le sans-papier sénégalais qui explique que chaque hippodrome a ses cotes (oui c'est bien ça, pas les numéros des chevaux, les cotes) gagnantes: par exemple à Vincennes ce sont les cotes 4 et 12 qui gagnaient tout le temps.

A ce stade, il me parait intéressant de faire une remarque. Si le jeu n'était pas redistributif et que le PMU truquait les courses pour privilégier certains joueurs, on serait dans un jeu à somme constante (c'est-à-dire un jeu où ce que gagnent certains joueur est perdu par les autres), et la théorie des jeux dit que la meilleure stratégie pour le PMU serait de rendre équiprobables toutes les combinaisons (et d'informer les joueurs à privilégier). Avoir une logique de trucage serait clairement sous-optimal et irrationnel.

Cette croyance en un trucage des courses revient finalement à une manière de nier l'intervention du hasard dans les résultats. Nous reparlerons plus loin de ce phénomène. A ce stade, nous nous contenterons de souligner que ce déni du hasard permet de légitimer la recherche de stratégies compliquées et d'information privée qui permettrait de déjouer les manipulations et complots contre le parieur. C'est ainsi que cette croyance revalorise les compétences, dont nous avions montré par un raisonnement qu'elles étaient à priori inutiles. On peut émettre l'hypothèse que c'est cette conclusion souhaitable qui pousse inconsciemment les gens à admettre l'idée de trucage.


3) Les types de stratégies et les manières de jouer
3.1) Diversité de l'information, diversité des stratégies

Nous avons montré dans la première partie que les jeux sont construits de manière à donner aux joueurs une quantité d'informations potentiellement immense et un éventail de possibilités de jeu très large, le but étant clairement de permettre une infinité de stratégies différentes, et donc la recherche par chacun de la "bonne" stratégie. C'est cette recherche qui constituera en fait un des plaisirs du jeu (à côté de l'émotion du risque). Paradoxalement, pour que cette recherche puisse perdurer indéfiniment, il ne faut pas qu'il existe de stratégie meilleure que les autres. Ça tombe bien, nous avons expliqué précédemment que ceci semble réalisé, puisque toutes les stratégies seraient strictement équivalentes.

Face à cette vaste possibilité de choix, on trouve des joueurs pour exploiter tout type d'information. Même sur les jeux comme le loto ou le rapido où le hasard est à priori parfait et où tout le monde devrait jouer au hasard, il y a des gens qui font ou utilisent des statistiques des tirages pour tenter d'inférer des résultats futurs ou les "nombres du jour". Pour les machines à sous, certains joueurs recherchent particulièrement les machines n'ayant pas distribué de gains depuis longtemps, croyant à tort qu'elles ont plus de chances de le faire maintenant. Cependant, dans tous ces jeux, l'information disponible reste limitée aux statistiques sur les résultats précédents. C'est dans le cas du PMU que cette information explose vraiment, nous consacrerons quelques paragraphes un peu plus bas à l'étude de ce jeu.


3.2) Gestion de l'argent. Quand s'arrêter de jouer ?

Une manière de classer les joueurs, c'est leur manière de gérer les sommes jouées. D'un côté, il y a ceux qui jouent des sommes fixes, qu'ils déterminent éventuellement à l'avance. En cas de gain, ces gens empochent les gains sans les rejouer. C'est le cas des joueurs occasionnels, et des joueurs qui maîtrisent le mieux leur pratique de jeux. Au contraire, il y a ceux qui ne peuvent s'empêcher de jouer tout l'argent qu'ils ont sur eux, de dépasser les montants qu'ils s'étaient fixés et de rejouer les gains. Nous avons rencontré cette manière de jouer dans le cas des joueurs de milieux plus pauvres et défavorisés (le sans-papiers sénégalais, l'ouvrier en bâtiment égyptien, la femme sénégalaise seule). Il faut signaler que ces deux manières de jouer diffèrent fortement dans les gains (on devrait dire pertes). Si celui qui se limite à un nombre fixé de mises et un montant fixé perd en moyenne une part fixe de son capital (40% pour la Française des jeux, 30% au PMU, 20% dans les machines à sous, 4% à la roulette), au contraire celui qui joue jusqu'à toucher le gros lot en rejouant tout a toutes les chances de perdre à la fin les 100% de sa mise initiale: il va jouer soit jusqu'à tout perdre, soit jusqu'à atteindre un gain colossal, mais le premier événement est bien plus probable que le deuxième, hélas.

Enfin, on peut remarquer que plus le gain est petit, plus il a des chances d'être rejoué immédiatement. Ceci arrive souvent pour les jeux de la Française des jeux, en particulier des jeux à gratter, où les gains sont fréquents mais faibles, et le gros lot très rare.


3.3) Les stratégies au PMU

Nous allons finalement tenter ici d'esquisser un classement des stratégies au PMU, et des types de joueurs associés, en les ordonnant par information requise et complexité croissante. Il convient cependant de signaler qu'aucun joueur ne se cantonne à une seule stratégie, et on a parfois l'impression que les joueurs tentent TOUTES les stratégies qui leur sont accessibles étant donnée l'information dont ils disposent. C'est ainsi que même un joueur ayant une très bonne connaissance des chevaux et des jockeys pourra parfois jouer une date d'anniversaire, ou que le retraité qui nous explique qu'il ne faut jouer que simple ou doublé nous racontera le lendemain qu'il avait gagner 30 euros au Quinté, et nous sortira une théorie suivant laquelle le numéro 44 sortait 8 fois sur 10 au loto (auquel il nous avait dit qu'il ne jouait pas)!!!

Les stratégies sans information
Ce sont les stratégies de ceux qui jouent au hasard, éventuellement en laissant le soin du tirage à l'ordinateur (tirage "flash") ou avec un procédé déconnecté de la réalité de la course: jouer une date d'anniversaire, des numéros fétiches, ou alors suivant une sympathie pour le nom d'un cheval lu sur le tableau du bar. Ce sont les stratégies de ceux qui jouent au PMU comme ils joueraient au loto, nous avons rencontré ce cas chez un retraité qui joue tous les jours une grille au café de la Fauconnière pour passer le temps, et aussi chez les familiaux du retraité passionné, qui eux tentent leur chance simplement pour participer à la passion du grand-père, mais qui ne sont pas passionnés.


Les stratégies de classement basiques
A partir de là, le principe de toutes les stratégies de classement est le même: classer les chevaux selon un critère personnel de performances, du meilleur au plus mauvais, pour ensuite choisir une combinaison de ces chevaux comprenant quelques favoris, quelques moyens et quelques toquards. L'idée sous-jacente est celle d'obtenir une variance des gains ni trop élevée, ni trop faible: ne pas jouer uniquement des favoris, ce qui rapporte peu mais souvent, ni que des toquards qui rapportent beaucoup mais très rarement. Ce qui est intéressant, et dont aucun joueur ne se rend compte, c'est que réaliser ce panachage revient à remélanger les chevaux qu'on vient de classer, sans tenir compte du classement. Ce type de stratégies pousse en fait les joueurs à chercher les "bons toquards", animaux mythiques qui vont gagner alors qu'ils n'avaient aucune chance, et donc rapporter gros. C'est cette quête impossible que tente pourtant chaque joueur.

Parmi les stratégies de classement, les plus simples consistent à classer les chevaux en fonctions des cotes, avec quelques petites variantes exploitant quelques informations supplémentaires comme les conseils de tel pronostiqueur, quelques noms de jockeys ou chevaux que l'on aime bien. Une femme sénégalaise classe les chevaux grâce à un indice personnel obtenu en soustrayant la cote au poids du cheval (ce qui est quand même corrélé avec la cote, car en fait plus un cheval est lourd, moins il a de chances de gagner et plus sa cote a des chances d'être élevée.) Dans tous les cas, l'établissement de ce classement semble se faire juste au moment de jouer, avec au plus un seul journal hippique et en moins d'une demi-heure. Les femmes et un certain nombre de retraités semblent jouer de cette manière. Ce sont les joueurs moyennement passionnés.

Notons que pour ces stratégies basiques, les joueurs répètent certes que les courses sont truquées, mais ils n'ont pas accès à suffisamment d'information pour tenter de déjouer ces truquages. Ils se contentent de jouer comme s'il n'en était rien.


La recherche du tuyau percé
Il y a ensuite des gens qui ne recherchent pas eux-mêmes beaucoup d'information, mais qui tentent de rester à l'écoute des rumeurs de dernière minute, de jouer "la dernière cote", c'est-à-dire les chevaux les plus joués par les parieurs, ou de repérer des joueurs qui ont l'air d'en savoir plus (les gros parieurs) pour faire comme eux. Ceci d'être dans le café ou sur le champ des courses jusqu'à la dernière minute, et pousse à jouer au "course par course", en direct, modalité de jeu qui était inaccessible aux joueurs précédents car ici les chevaux ne sont pas cotés. Nous n'avons pas eu d'entretien avec de tels joueurs, mais ils nous ont été décrits par le retraité joueur, et on a l'impression que beaucoup de joueurs de l'après-midi sont tentés par cette stratégie. On peut conjecturer que cette stratégie va avec une disponibilité en temps pour passer l'après-midi dans les cafés, le fait de moins contrôler ses mises (car en restant au café, on est tentés de jouer), et aussi d'avoir moins confiance en soi et ses capacités d'obtenir de l'information par eux-mêmes. Ce type de stratégie semble donc, du moins à Lambdaville, correspondre à des joueurs en situation précaire, les chômeurs ou les sans-papiers qui passent leur après-midi au café, ne serait-ce que dans le but de trouver des contacts de travail. Cela suppose aussi d'être dans un grand PMU, avec beaucoup de joueurs.


Les stratégies numérologiques
On trouve ensuite tout ce qui a trait à la connaissance des nombres, et repose sur le postulat plus ou moins conscient que ceux-ci ne sont pas aléatoires, qu'ils obéissent au contraire à une logique provenant soit du truquage des courses et du complot contre les parieurs (cas de l'ouvrier égyptien et du sans-papiers sénégalais), soit à une sorte de providence, de "magie" (toujours le même sans-papiers sénégalais). Ces stratégies consistent généralement en l'observation des statistiques des tirages et une certaine inférence, du même type que celui utilisé par notre joueur de Rapido, qui viennent parfois compléter un peu de rumeur.

On trouve ici les stratégies les plus loufoques. Il y a celles citées dans la partie III.B.2.2 (étude de la logique des numéros sortant du quinté et théorie des cotes gagnantes à Vincennes) il y a l'exemple de ceux qui remarquent qu'en général dans un quinté il y a des mâles, des femelles et des chevaux castrés (tout comme dans des tirages répétés de pile ou face il y a de bonnes chance d'avoir un peu de piles et un peu de faces) et qui donc essaient d'équilibrer leurs pronostics dans ce sens. Il y a aussi le cas du joueur qui a remarqué une corrélation entre les tirages du loto et du PMU, qui joue donc au PMU les numéros du loto !!! Parmi tous les nombres, les cotes jouent bien sûr un rôle important (au fond, ce sont ceux qui ont le plus de sens, puisqu'ils représentent la meilleure estimation disponible des probabilités), et sont utilisées pour faire des classement du même type que ceux présentés dans le paragraphe précédent.

Grâce à la quantité d'information disponible (le nombre de tirages important, les nombres dont l'abondante presse spécialisée recouvre les joueurs), il est facile d'avoir l'impression de percevoir des régularités, tout comme notre joueur de Rapido qui, sur une cinquantaine de tirages de 8 numéros parmi 20 croyait apercevoir des motifs, "les nombres du jour", alors qu'il ne le pouvait pas sur des tirages du numéro complémentaire, un parmi quatre seulement. Ceci dit, ceux qui emploient ce type de stratégie peuvent passer un temps considérable pour les mettre au point, comme l'ouvrier égyptien capable de passer 3 heures à faire des calculs sur les 10 quotidiens hippiques simultanément pour décider quoi jouer au quinté. La naïveté et l'irrationalité de ces stratégies font supposer qu'elles sont surtout appliquées par les joueurs de classe plus modeste, comme l'ouvrier égyptien ou le sans-papier sénégalais. Cependant, même les joueurs plus experts sont parfois tentés par de telles superstitions.


La connaissance des jockeys et des chevaux
On trouve ici les stratégies les plus complexes, faisant appel potentiellement à toute l'information disponible, et elles sont réservées aux joueurs les plus passionnés. Là aussi il reste une grande variabilité de possibilités différentes. Cela commence par une connaissance de beaucoup de chevaux, des jockeys, des entraîneurs, des hippodromes, des spécialités, des résultats passés, qui peut s'appuyer sur la lecture de plusieurs quotidiens (jusqu'à dix ou quinze) ou magazines spécialisés (le retraité nous conseille l'Almanach du Trot) et la rédaction de fiches par cheval (notre retraité en possède 500). Dans le cas de notre retraité, cela va encore plus loin puisque celui-ci se déplace même sur certains hippodromes pour collecter plus d'information, par exemple en discutant avec les vétérinaires, et se renseigne en plus sur les liens entre familles dans le milieu des courses, de manière à anticiper d'éventuels arrangements. Ce type de stratégie semble correspondre mieux à des gens passionnés prêts à y consacrer un temps certain, voire à se déplacer sur le champ de courses, provenant de milieux un peu plus favorisés dans la mesure où elle demande plus de méthode et d'organisation pour s'y retrouver dans un océan de statistiques sans fond. On pourrait ranger dans cette catégorie notre retraité ancien technicien de télévision, et le juriste "antillais". Par contre, il y aurait moins de femmes d'après notre retraité: "Les femmes jouent beaucoup plus à l’intuition, la femme joue beaucoup plus au feeling."
Ainsi, nous avons réalisé ici un classement des stratégies que nous avons observées, en lien avec le type de joueurs qui leur correspondent. On a en effet l'impression que très vite, en observant les joueurs ou à partir de quelques simples informations objectives, on peut deviner leur manière de jouer, et du coup leurs habitudes de jeux, leurs horaires, les montants qu'ils misent, etc. Bien sûr, il faudrait une enquête plus approfondie pour vérifier la pertinence de ces hypothèses.


C) Pourquoi joue-t-on ? Le rapport au jeu
Dans les parties qui précèdent, nous avons vu pourquoi le joueur vient au café (les aspects sociaux et professionnel) et les manières de jouer. Il est temps maintenant de s'intéresser aux raisons, aux motivations plus ou moins conscientes qui poussent le joueur à jouer, et aux implications que cela a sur son rapport au jeu.

1) Culpabilité et justification Une observation constante que nous avons pu faire au niveau de tous nos entretiens, c'est une ambivalence du discours par rapport au jeu. Si la rhétorique du plaisir était prévisible parmi les joueurs qui s'adonnent à leur activité de leur plein gré, il est plus surprenant de retrouver un discours de culpabilité, de dénonciation et de justification même chez ceux qui semblent avoir une pratique bien intégrée et délimitée, qui ne nuit pas à leurs autres activités.


1.1) La rhétorique de la drogue et la présentation de cas extrêmes.

Dans tous les discours, on retrouve toujours deux constantes, qui sont les clichés usuellement associés au jeu, et que les joueurs répètent spontanément: le rapprochement entre jeu et drogue et la figure du joueur pathologique qui joue tout ce qu'il possède et met en péril toute sa famille. Ceci est suprenant, car on ne s'attendrait pas à ce qu'un fumeur par exemple répète sans cesse que "fumer tue". Les 3 citations suivantes viennent de l'entretien réalisé avec le retraité, les deux suivantes de celui avec le joueur de Rapido, traumatisé par une émission télévisée sur ces dangers du jeu, où il a reconnu son jeu favori.
"Elle [sa femme] accepte [sa passion du jeu] parce qu’au détriment d’autres défauts… Elle, elle a un autre défaut majeur, c’est qu’elle fume, vous voyez."
A : Vous aviez un groupe au travail, comme ça, qui avait la passion…
- Oui, oui. A chacun ses vices. Vous savez comment ça marche… (rire) A chacun ses vices.
Parce que si vous n’êtes pas prudent, il faut avouer que des fois vous pouvez mettre en péril votre cellule familiale, au niveau pécuniaire. [...] Moi je suis raisonnable, je ne fais pas n’importe quoi. Si vous voulez, je ne vais pas risquer mon salaire sur les courses. Mais par contre, ça c’est monnaie courante, vous avez des gens qui vont jouer jusqu’aux allocations familiales. Mais ça va très loin. Vous savez que le jeu c’est une drogue. Il faut maîtriser tout ça, mais ça peut être une drogue.


F : Et à votre travail, vous avez des collègues avec qui vous parlez un peu de Rapido ?
- C’est toujours négative chose d’en parler. Personne ne parle pas ça. Peut-être lotofoot ils parlent, moi je parle de lotofoot, oui, Paris a gagné aujourd’hui, ce match… Mais Rapido, personne parle pas, ça. Parce que c’est plus dangereux. Pour moi c’est vraiment, s’il y a un référendum, quelque chose pour enlever, le Rapido, moi j’enlève.
F : Vous voudriez l’interdire ?
- Bien sûr, bien sûr. Parce que je connais tous des gens, c’est misérable.
- Il y a des gens qui jouent vraiment vraiment grand chose. Et c’est le divorce. Je suis sûr, je pense, minimum, minimum, je peux vous dire, les divorces c’est 30%, ou 40% à cause de ça.
A : Vous croyez ? Vous avez des cas autour de vous ?
- Bon, écoutez, les personnes elles jouent avec leur carte bleue ici. Ils paient carte bleue, la banque… des grandes sommes. Alors imaginez vous, ils viennent trente jours, pendant un mois, trente jours. Minimum 50 euros, 50 euros. Il y a pas nourriture. Comme la dame sur M6 elle a dit, moi je voulais pas encore venir avec lui ensemble, parce que mes deux enfants ils ont ni nourriture avec eux à la maison, on a vendu la maison, vendu la maison, vendu les voitures, et le monsieur il continue toujours !
A : Ça, c’est ce que vous avez vu à la télé ?
- C’est ce que j’ai vu sur M6.
A : Mais vous connaissez des cas autour de vous, vous connaissez des divorces à cause de ça?
- Je sais pas, mais ça existe, bien sûr.

1.2) La justification

Face à cette image du jeu et ses dangers que le joueur reçoit et intègre, celui-ci est conduit à se démarquer de ces situations. Deux approches sont possibles et utilisées souvent simultanément par le même joueur: le déni de sa pratique de jeu, et une prise de distance par rapport au joueur pathologique.

C'est ainsi, que lorsque nous demandons à une femme retraitée au bar-tabac des Marronniers si elle joue, celle-ci réagit vivement et répète qu'elle ne joue jamais, que le jeu c'est un vice, qu'elle ne joue pas sa retraite, qu'elle ne joue jamais, parfois un jeu à gratter, mais ce n'est pas du jeu. Elle n'a jamais gagné, juste 150F une fois au loto mais ce n'est rien. Ce qui prouve qu'elle joue. Tous les clients d'ailleurs ont tendance à minimiser leurs pratiques: l'un n'achète des jeux à gratter que pour sa femme, un retraité à la Fauconnière vient jouer "souvent" le matin, "pas toujours". Pas l'après-midi pendant les courses car sinon il serait obligé de jouer et il n'a pas l'argent pour ça, il se contente de regarder les résultats sur Canal +. Mais quand il part, le patron nous dit que ce type vient souvent, tous les jours, parfois même l'après-midi. De même, l'"antillais" dit venir au café tous les jours mais ne pas s'y arrêter, ce qui contredit nos observations. Le retraité que nous avons interviewé dit ne venir jouer que deux fois par semaine, et ne jouer qu'au PMU, alors que nous le revoyons le lendemain, et il nous explique que c'est parce qu'il avait gagné et nous explique une observation que le 44 sort 8 fois sur 10 au loto!!! De même, le joueur de Rapido qui est censé ne venir que très rarement a été revu le lendemain.

A côté de ce déni du comportement du jeu, ou du moins de son euphémisation, il y a toujours une prise de distance par rapport au cas extrême de joueurs pathologiques que l'on stigmatise. Par exemple, l'ouvrier égyptien qui passe le soir 4 heures à faire ses calculs numérologiques et qui a décidé de confier la gestion de son salaire à sa femme parce qu'il était incapable de se limiter, explique que le "course par course", où l'on ne dispose pas des cotes des chevaux, est réservé aux "obsédés" qui connaissent les chevaux par coeur. Le joueur de Rapido qui reste deux heures à faire des statistiques sur les tirages explique que lui n'est pas "professionnel", que sa femme a raison de lui faire confiance, qu'il n'est pas comme ces joueurs qui ruinent leur famille. Enfin, l'entretien avec le retraité montre que celui-ci se positionne très précisément dans le paysage des jeux, comme un observateur lucide, "pas comme un professionnel" mais comme un "connaisseur" qui est au courant des manipulation, des magouilles, qui fréquente les champs de course pour aller "à la source de l'information". Il passe par un "cheminement", un travail intérieur, un défi intellectuel, qui est finalement ce qui l'intéresse dans le jeu, contrairement aux autres qui cherchent le gain. Il s'oppose d'un côté au "parieur de PMU", le "commun des mortels" qui est un "novice", un "petit parieur", un "naïf", ceux qui sont "des pauvres gens, animés de l'espoir de gagner, d'arrondir leurs fin de mois" et qui finalement sont ceux qui "nourrissent le monde des courses". De l'autre côté, il y a "le vrai parieur, le gros parieur", qui lui "fait un placement quand il va aux courses", qui peut placer 1500 euros sur un cheval, et qui est un connaisseur.

Enfin, on remarque qu'il y a toujours un déni des pertes, la plupart des joueurs étant persuadés qu'ils jouent des petites sommes et que globalement ils ne gagnent pas mais ne perdent pas d'argent, contrairement à la plupart des gens qu'ils observent. Notre retraité explique:
"J’en ai connus très peu [des joueurs qui gagnent plus qu'ils ne perdent], moi, très peu. Quand vous faites le bilan, de l’investissement et de vos rapports, je dirais qu’un très bon joueur, un très bon joueur, et je dirais 1 sur 10, pourra dire que dans la finalité il a gagné aux courses. Mais en général, vous avez 85% de perdants. [...] Moi, je me placerais dans l’équilibre. Oui. C’est-à-dire que quand je fais, sur les nombreuses années de participation au jeu, le bilan de mes investissements et de mes gains, je dirais que je n’ai pas perdu d’argent, mais je n’ai pas gagné. [...] Disons que si à un moment j’ai eu le désir de changer de voiture, ce que j’ai gagné à un certain moment m’a permis de changer de voiture. Mais si pendant deux ou trois ans j’ai pu ne pas rentrer dans mes fonds, c’est-à-dire que j’ai pu perdre, ça compense, ça compense. Mais c’est plus un dérivatif, c’est pour ça que je vous dis, je ne prends pas le jeu comme une manière de gagner des sous, je prends le jeu, surtout PMU, dans une manière je dirais, intellectuelle, voilà."
De même, le joueur de Rapido raconte:
Avant je jouais, allez, 30 tirages, [...] ça fait 30 euros, et ça me rembourse les frais. C’est ça, ça me rembourse. Mais si je suis sûr, hein.
A : Vous vous y retrouvez toujours donc…
Oui, ça sort, ça sort quand même. Peut-être il y a jour que je perds 2 euros. Pour 30 euros je perds 2 euros. Ou je gagne 10 euros de plus, c’est beaucoup, ou 20 euros de plus. Mais quand j’ai vu, comme je vous avais dis, sur M6, à cause des divorces, là…
Bien sûr, ceci est surprenant, quand on sait que suivant le jeu, un joueur perd en moyenne 20 à 40% de sa mise. On peut émettre l'hypothèse que cette part reste trop faible et peu visible par rapport au montant des mises et des gains, d'autant que les joueurs ont aussi une mémoire sélective qui leur permet de valider leur conviction de ne pas perdre de l'argent.

1.3) Qu'en est-il de tout cela ?
On peut se demander d'où viennent cette référence omniprésente du jeu comme drogue et le stéréotype du jeu pathologique. On peut aussi se demander si les joueurs y adhèrent vraiment ou si c'est juste une phrase qu'ils répètent, parce qu'elle leur a été inculquée par leur entourage (je rappelle que la loi elle-même considère le jeu comme un danger pour la morale publique à n'autoriser que parce qu'il est difficile de l'interdire). Bien sûr, les joueurs victimes de leur passion se rendent compte des dommages que cela crée, mais les joueurs équilibrés souhaiteraient-ils vraiment arrêter le jeu, comme beaucoup de fumeurs qui disent vouloir arrêter de fumer ? Nous n'avons rien pour répondre à cette question, mais il se pourrait que la réponse soit négative.


2) Le plaisir
En opposition avec ce discours sur la culpabilité que nous venons de voir, il y a toujours un discours sur le plaisir, ce qui est prévisible car, avec l'appât du gain, il n'y a pas d'autres justifications possibles du jeu. Nous allons finalement tenter un classement des différentes formes de plaisir que donne le jeu.


2.1)Le risque

A ce stade, il est amusant de remarquer que parallèlement à la spectaculaire croissance actuelle des jeux de hasard, la part de hasard, de risque et d'incertitude dans la vie courante n'a fait que diminuer, grâce aux assurances, à la protection sociale, aux droits individuels et du travail, au progrès de la santé et aux normes de sécurité. Et il y aujourd'hui dans l'opinion publique une demande toujours plus importante de sécurité qui viserait le risque zéro. Dans ce contexte l'argent est, avec peut-être les sports extrêmes, peut-être le seul domaine où le risque est toléré, recherché et valorisé, comme pour compenser le trop de sécurité ailleurs. Bien sûr, la différence entre ces risques est que celui du jeu est un risque maîtrisé, que l'on prend par choix et que l'on peut interrompre quand on le souhaite.

Quoi qu'il en soit, on peut affirmer sans hésitation que cet aspect de risque et les émotions qui lui sont associées constituent l'une des sources du plaisir du jeu. L'explication est simple: la tension qui découle de cette prise de risque agit sur le système psychique de récompense (des études de neurosciences l'ont prouvé) et a des répercussions au niveau physiologiques et psychologique, qui ont exactement le mode d'action d'une drogue. Pour des chercheurs d'émotions fortes le jeu instantané s'apparente à une prise d'excitants. Pour les anxieux ou déprimés, au contraire, le jeu devient une manière d'anesthésier une situation de souffrance (chômage, rupture affective...) et joue le rôle d'antidépresseur. Mais il peut aussi déprimer: comme un alcoolique boit pour oublier qu'il boit, le joueur joue pour lutter contre la dépression liée à ses pertes. La citation suivante tirée de l'entretien avec le retraité, montre la puissance de ce phénomène:
- Oui, au moment de la course, c’est, comment dirais-je, vous avez toute l’adrénaline qui vous monte à la tête, c’est ce que vous dites là. Je l’ai, je l’ai, j’ai mon ticket. Est-ce qu’il va gagner, ou il ne va pas gagner. Et quand il gagne, tout s’effondre, vous êtes complètement liquéfié, vous savez, comme si vous aviez pris un grand coup de masse derrière la tête. Attention, c’est très bien, ça vous ramène très rapidement à la réalité.
A : Et en même temps c’est agréable aussi. C’est un plaisir aussi j’imagine.
- Oui, oui, c’est ça, c’est une jouissance.


"Oui, et c’est là que vous avez envie de pousser le jockey qui est censé monter votre favori. Et vous lui parlez, vous avez envie de lui dire : « Mais alors, qu’est-ce que tu fais là… » [...] Et c’est là que vous prenez la déception en plein visage, parce que vous n’avez pas été à un certain moment, vous n’avez pas su faire passer votre message, cette espèce de transmission de pensée. Vous dire, alors, et si, là, c’est pas passé. Là c’est l’effondrement là. Mais ça vous ramène à l’humilité. Faut le savoir, ça, faut le savoir. Faut savoir accepter de perdre, quoi, en deux mots."

2.2) L'expression des émotions

Nous voyons là que le risque et le jeu produisent des émotions violentes et contrastées qui sont recherchées par les joueurs. Ceci explique le succès énorme parmi les jeux de tous les jeux instantanés, d'apparition récente, où le cycle des émotions est très rapide. Le corollaire de tout ceci est que dans le milieu du jeu, ces émotions sont permises et valorisées (penser à la stratégie publicitaire du PMU entièrement fondée sur l'"émotion") et peuvent s'exprimer librement, comme nous l'avons montré dans la deuxième partie de cette étude. Ainsi, le plaisir du jeu vient non seulement de la création d'émotions, mais aussi dans la possibilité de les exprimer et de les sortir. Il y a peu de lieux aujourd'hui où cela est possible.


2.3) Le plaisir intellectuel

A côté de cela, il y a un plaisir plus paisible, plus intellectuel du jeu. Le jeu offre en effet un monde simplifiée par rapport à la vie de tous les jours, où il y a des règles clairement formulées, offrant un support idéal à la spéculation intellectuelle, au défi de la compréhension d'un phénomène. On pourrait ici citer notre retraité:
"C’est tout le travail, c’est toute la différence que j’ai pu faire entre le jeu du hasard. [...] Aller dans un café quelconque, pour aller faire un loto, ça ne m’intéresse pas. Parce qu’il n’y a pas ce travail intellectuel, il n’y a pas cette approche… Les courses, il y a tout un travail intellectuel de méthode et tout ça, ça a ce côté intéressant, c’est un éternel, je dirais, affrontement intellectuel entre le journaliste, l’entraîneur et le propriétaire. Parce que le journaliste, il va essayer de vous faire avaler des couleuvres dans son commentaire. Et c’est ce que j’appelle moi de la manipulation. Alors, à vous d’être suffisamment méthodique, je dirais, ordonné et lucide, pour savoir tirer de leurs informati
 
Date de l'article : Sat 28 May 2005 18:56
Catégories : general

Blog: astucemeth

AMIS TURFISTES

ami turfiste,

Mon gout des courses n'est pas d'aujourd'hui,et mon experience est grande dans ce domaine.
Un constat cependant,LE PLAISIR DE JOUER EST PLUS GRAND QUE CELUI DE GAGNER.
Au fil des annees,nous avons tous depenses beaucoup d'argent pour essayer de gagner aux courses.Ma devise etait, jouer un maximum afin d'augmenter les chances de gagner.ERREUR.La puissante machine qu'est le pmu a un seul but, faire des benefices.
En revanche la question est de savoir s'il existe une methode 'infallible' pour gagner aux courses,la reponse est NON.
Mais est il vraiment possible,en ameliorant sa facon de jouer,d'augmenter les gains,OUI,c'est possible.
L'astuce que j'ai developpé,permet de corriger son jeu,de reperer les outsiders,et de passer plus facilement a la caisse.
Cette astuce est tellement simple et intelligeante,qu'elle n'exige aucune connaissance des cheveaux.
mon objectif,vous aider a mieux jouer,je me permettrai donc de vous donner une trame de jeux,chaque jour.Invitez vos amis et collegues a se joindre a mon groupe,ensemble nous ameliorons notre jeux,nos gains aussi.Je vous souhaite une bonne anne'e et de bons gains.
j.b
 
Date de l'article : Thu 12 May 2005 3:31
Catégories : general


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